Rencontre avec Benoît Duvette, réalisateur, metteur en scène et compositeur. Multi-casquette, c'est de manière transversale qu'il aborde ses projets cinématographiques !

Benoit Duvette a 32 ans, originaire de Gravelines (Nord) il passe un BAC L option théâtre et option musique, et entreprend des études en Arts Contemporains à l'Université de Lille 3. C'est à ce moment-là qu'il opère un tournant en s'intéressant à la réalisation cinématographique. Autodidacte, il travaille l'écriture de scénarios et se perfectionne en photographie, avant de faire ses premiers pas dans la réalisation de films.


- Parlez-moi des deux films qui ont été soutenus par Pictanovo, Le Corps des Anges et Ruines.
J'ai réalisé Le Corps des Anges en 2014. Il s'agit de l'adaptation du livre (publié chez Gallimard) de Mathieu Riboulet. Il est décédé en 2018 alors que nous commencions à nous connaître et nous côtoyer. Lorsque je l'ai rencontré, en 2013, j'avais extrêmement peur de la réaction qu'il pouvait avoir vis-à-vis de mon adaptation. J'avais lu l'intégralité de son travail, j'étais passionné par son écriture et j'étais très impressionné par l'auteur qu'il est !  J'aimerais beaucoup lui rendre hommage ici car il m'a donné sa complète confiance vis-à-vis de l’adaptation en film que j’ai faite de son livre. Sa confiance était très importante pour moi, et cela a eu pour conséquence, dans mon travail, de placer la barre encore plus haut !

Pour mon deuxième film Ruines réalisé en 2019, j'avais envie d'un film plus intimiste. J'ai écrit un court scénario qui raconte l'histoire de deux adolescents qui sont en fuite et se réfugient dans une voiture abandonnée. Dans ce film, j'ai cherché à développer les thématiques principales de mon travail : le corps et l'identité, la douleur et l’abandon, la réalité et l’onirisme.

Pour la réalisation de ces deux films j'ai bénéficié du soutien de Pictanovo (respectivement 8 000 € et 10 000 €). Encore merci pour cette aide précieuse !

Comment se sont passés les tournages ? Avez-vous des anecdotes à nous raconter ?
Pour Le Corps des Anges, ce premier film était une expérience très enrichissante car j'ai pu mettre en pratique pour la première fois tout ce que j'avais appris par moi-même. Je me souviens du premier jour de tournage, il était 5h du matin, nous attendions l'aube, l'équipe machinerie avait installé les rails de travelling dans un champ très boueux. J'ai réalisé que je ne pouvais plus faire marche arrière. Tout le monde me posait des questions : « Est-ce qu'il faut couper davantage les ronces qui couvrent le bunker ? » « Est-ce qu'il faut plutôt les bruits des pieds ou de la respiration ? » « Est-ce que le personnage doit tenir la pelle de la main gauche ou droite ? ». Le premier assistant (Hugo Marchand, qui trace sa route dans le métier aujourd’hui) a lancé l'action. Le travelling a duré 10 secondes, c'était le tout premier plan. J'ai vu l'image dérouler sur le moniteur, j'ai adoré ce sentiment et la confiance en moi est revenue.  Nous avons tourné durant 14 jours en région, principalement dans le Boulonnais. J'avais repéré de très beaux endroits en campagne, et un fermier avait bien voulu nous mettre à disposition ces champs et sa ferme.

Voir le making of du film Le Corps des Anges

Pour Ruines, nous avons tourné en forêt domaniale de Raismes-Saint-Amand-Wallers pendant le mois de juillet 2018. Il s'agit d'une des rares forêts en région dans laquelle il y a des parcelles de pins et de très hautes fougères. Nous avons installé notre régie dans une des maisons forestières et nous avons tourné pendant 4 nuits.

L'un des plus gros défis était de tenir le rythme, de tourner la nuit et de garder la bonne énergie. Les moustiques n'ont pas du tout aidé à la tâche. Notre chef déco avait préparé une sorte de mélange d'huiles essentielles et de vinaigre et il aspergeait tout le monde avec. L'odeur était horrible mais faisait vraiment partir les moustiques.

Une nuit, nous avons dû modifier le planning de tournage à cause d'un orage qui nous avait surpris alors que nous tournions au bord de la mare à Goriaux. J'étais pris de court, pas forcément prêt à bouleverser l'ordre du tournage des scènes. Toute l'équipe pourtant est restée très positive et pleine d'énergie. Nous avons poursuivi le tournage jusqu'à l'aube, nous avons été forcés d'arrêter car le jour se levait et la lumière n'était plus du tout raccord !

 Voir le Making of du film Ruines

 Parlez-nous de vos équipes de tournage...
Dans les deux cas, j'ai eu la chance de travailler avec des techniciens de la région. Certains d'entre eux étaient présents sur les deux tournages.  Pour Le Corps des Anges en 2014, il s'agissait d'une équipe principalement issue du BTS Audiovisuel de Jean Rostand à Roubaix. Le cœur de l'équipe se concentrait autour de Manon Bluet qui occupait le poste de cheffe opératrice prise de vues. Elle nous a malheureusement quittés quelques années après le tournage et nous n'aurons plus l'occasion de continuer à partager autour de notre passion commune qu'était le cinéma. Pour Le Corps des Anges, sa sensibilité a permis au film d’être ce qu’il est. Cette première équipe s'est professionnalisée et beaucoup de techniciens travaillent aujourd’hui de façon régulière et professionnelle en région. Je les salue au passage !

Pour Ruines, plus récemment, certains de ma première équipe nous ont retrouvés sur le tournage. C'était intense car nous retrouvions les sensations vécues quatre ans auparavant. Il y avait une grande excitation le premier jour du tournage (la première nuit en réalité). Pour l'image, j'ai travaillé pour la première fois avec Alexandre O'Toole et nous avons noué une belle complicité. J'aime beaucoup son regard sur la lumière, son souci des détails, sa patience et son respect pour les subtilités de la mise en scène. Mais en réalité, j'ai eu la chance de travailler avec une très belle équipe professionnelle d'une trentaine de personnes. C'était incroyable et je les remercie également !

- Vos films ont-ils eu des parcours en festivals ?
J'ai trouvé un grand nombre de soutiens en festivals pour mes deux films.
Ruines a été sélectionné dans 13 festivals ! Je trouve ça extraordinaire car je réalise des films au style peu adapté au format des festivals. Je suis très heureux que des festivals aient le courage de sélectionner des films qui sortent des sentiers battus. J'aimerai citer le festival « Chéries Chéris » à Paris qui a sélectionné mes deux films et qui m'encourage à poursuivre mon travail de réalisateur.

- Et...des récompenses ?
Ruines s’est vu décerner le prix du Best Art LGBT Film dans un festival de films indépendants Indie For You. Et une des belles récompenses pour Le Corps des Anges est son édition sur DVD et plateforme de VOD  au niveau national (Optimale) et international (TLA releasing). Le film continue donc sa vie par lui-même !

De plus, fin 2019, Gallimard a décidé de rééditer le roman de Mathieu Riboulet et a choisi une image du film pour la couverture du livre.  C'est pour moi une des plus belles récompenses.

- Parlez-moi du Collectif des Routes.
Avec Camille Graule, nous avons créé le Collectif des Routes dont l'une des activités est de porter mes projets artistiques.  Dans les premiers temps de la réalisation d’un projet, nous sommes généralement que tous les deux pour monter les dossiers et la préparation du film. Après le tournage, pour la postproduction et la diffusion nous sommes également principalement à deux pour ces missions. Le Collectif des Routes est une structure dans laquelle je m'épanouis énormément et qui me permet de tester beaucoup de choses. Au fur et à mesure des années, nous avons dessiné une ligne éditoriale et nous arrivons aujourd'hui à nous ouvrir sur l'extérieur avec confiance, et je suis très heureux de cela car c'était une des ambitions à la création du Collectif mais qui dans ses débuts n'était pas forcément évidente à mettre en place.

- Quels sont vos projets de films à venir ?
J'ai de nombreux projets en cours. À très court terme, je vais collaborer avec l'artiste Jeancristophe pour la réalisation d'un clip à l'occasion de la sortie de son prochain album. Je continue également ma collaboration avec le duo Corde pour qui j'ai déjà réalisé deux clips, et pour qui nous réaliserons en 2021 également des clips pour leur prochain album.

Voir le clip de Elvis Has Left The Building
Voir le clip de Concorde I

Mais cette année je vais surtout me focaliser sur mon projet de solo en spectacle vivant. Il s'agit d'une mise en scène autour de la question du rituel et de l'identité qui s'intitule Mes Peaux. C'est un projet très personnel pour lequel je me suis mis au défi d'aller plateau et de construire une proposition intimiste de cinquante minutes. Une fois prête, j'espère que cette performance pourra trouver sa place dans le paysage culturel, et rencontrera le public lorsque la situation sera plus propice.

 - Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
Je travaille sur un projet de long métrage. C'est actuellement très embryonnaire et j'entame une collaboration avec un scénariste pour ce prochain projet. Mais ce qu'il faut souhaiter c'est que ce projet trouve son cadre de production, ses partenaires de confiance qui lui permettront de voir le jour. Par ailleurs, je continue à travailler la mise en scène et je rêve secrètement de mettre en scène un opéra ! J'espère que l'avenir me réserve cette surprise !

Pour en savoir plus :
Votre film préféré : Le Cheval de Turin de Béla Tarr
Votre devise favorite : Je suis comme Saint Thomas, je ne crois que ce que je vois.
Le super pouvoir que vous voudriez avoir : Arrêter le temps !
Où vous voyez vous dans 10 ans : J'espère être dans la continuité de ce je construis, toujours avec la même philosophie.
Ce que vous détestez par-dessus tout : Quand un logiciel bogue sans avoir sauvegardé...
Si vous étiez un personnage de film : Un figurant, un peu flou en arrière-plan.

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Le collectif des routes

Email: message@collectifdesroutes.fr

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